Le Chaos
Qu'est-ce que le chaos ?
- Définition qualitative du chaos
- Explication de la différence entre
chaos et phénomènes aléatoires
- Exemple de la suite quadratique
- Degrés de liberté d'un système
et espace des phases
- Attracteurs
- Evolution d'un système non chaotique
vers le chaos
1. Définition qualitative du chaos
Un phénomène chaotique est un phénomène
défini de façon déterministe, non périodique,
qui se caractérise par une hypersensibilité aux conditions
initiales. C’est cette sensibilité aux conditions initiales qui rend
le phénomène imprévisible.
Avec une valeur de départ de –11.00000, le
résultat peut être totalement différent de celui obtenu
si on refait l’expérience avec -11.00001. De si petites différences
dans les conditions initiales, dans la pratique, peuvent être simplement
considérées comme "bruit expérimental" ou imprécision
de l’appareil de mesure. Ce sont des variations impossibles à éviter
en pratique.
On comprend alors la difficulté qu’ont les
expérimentateurs à prévoir l’évolution d’un
système chaotique, étant donné que la précision
des mesures ne peut en pratique pas être suffisante pour connaître
les conditions initiales de manière satisfaisante.
C’est ainsi que s’explique l’effet papillon : le simple
battement d’aile d’un papillon à Tokyo modifie de manière
infime les conditions atmosphériques, de sorte que l’évolution
d’un cyclone, même lointain, est imprévisible, tous les paramètres
influençant ne pouvant être pris en compte.
Il en est de même pour l’exemple du ballon de
baudruche, dont la variation minime de conditions de lâcher (l’identique
étant impossible à réaliser), entraîne une imprévisibilité
totale quant aux deux trajectoires successives.
2. Explication de la différence entre
chaos et phénomènes aléatoires
La différenciation entre chaotique et aléatoire
nous a paru le point le plus important de la compréhension du chaos.
En effet, on a toujours tendance à considérer qu’un phénomène
tire son imprédictibilité du nombre trop importants de paramètres
en jeu dans sa description, ce qui nous pousse à en donner une approche
probabiliste qui, pour être parfaitement satisfaisante, garde par
définition une marge d’aléatoire. Le mouvement brownien en
est un exemple.
En ce qui concerne le chaos, il n’en est rien. En
effet, un phénomène chaotique, comme nous l’avons vu, est
décrit de manière déterministe, c’est à dire
en particulier avec des outils mathématiques qui en permettent une
approche précise et
a priori "certaine". En réalité,
il faut constater qu’aucun amalgame n’est possible entre chaos et aléatoire
puisque même une approche probabiliste de l’évolution d’un
système chaotique n’aboutirait à rien. En effet, même
si l’on connaît parfaitement l’évolution d’un système
dans des conditions initiales données, pour des conditions initiales
extrêmement proches, toutes les évolutions sont encore
"équiprobables" : l’approche probabiliste n’apporte rien.
En outre, comme on le verra dans les caractéristiques
exposées dans les parties suivantes, les systèmes chaotiques
possèdent des propriétés qu’ils ne partagent pas plus
avec les systèmes aléatoires qu’avec les systèmes
déterministes non-chaotiques.
De manière concrète, il existe une définition
rigoureuse qui permet de déterminer mathématiquement qu’un
système est chaotique, mais son expression est assez complexe.
On peut dire en toute rigueur que, de manière générale,
la part d’imprévisible est en réalité assez faible
pour un système probabiliste par rapport à un système
chaotique, pour lequel, au contraire, bien que le déterminisme soit
total, la prévisibilité est nulle.
On constate en particulier, dans l’exemple du mouvement brownien, que
le déplacement reste "centré" en A. En outre, si on avait initialement
placé un autre grain de poussière tout près de A, on
peut penser que son déplacement aurait été assez semblable
à celui de A, ce qui ne pourrait arriver dans un système chaotique.
3. Exemple de la suite quadratique
Soit la suite quadratique définie par
un+1 =
a.u n (1-un)
.
De la forme,
un+1 = f(un)
avec
f(x) = ax(1-x)
α) Sensibilité à a
On veut déterminer l'évolution de la
suite un+1 = a.un (1-un)
en fonction de la valeur de a.
On a remarqué que, pour des valeurs de a :
- jusqu’à 2.9 environ, la suite converge vers une seule valeur,
point fixe de la fonction f, quelle que soit la valeur de U0 entre
0 et 1.
- à partir de 2.9 jusqu’à 3.5, elle diverge vers deux
puis quatre, puis huit valeurs… appelées points d’adhérence.
- la suite adopte ensuite un comportement chaotique : elle ne possède
plus de points d’adhérence : elle prend une infinité de valeurs
et diverge totalement.
A partir des points d’adhérence, on peut représenter
l'arbre de Feigenbaum. Il montre le nombre les valeurs de convergence de
la suite en fonction de a. Jusqu'à a=4, ce nombre augmente mais reste
fini, par la suite ce nombre devient infini, de sorte qu’on ne peut plus
les représenter : le comportement de la suite est chaotique.
β) Sensibilité à u0
Lorsque la suite devient chaotique (a>4), on peut
constater qu’une sensibilité à U0 existe aussi.
En effet pour chaque U0 différent, même pour des
valeurs très proches, le comportement de la suite est totalement différent
et imprévisible à partir des valeurs obtenues avec U
0. Ceci illustre la propriété de sensibilité
aux conditions initiales.
La suite quadratique constitue un exemple de chaos mathématique
: bien que définie de façon déterministe (une fonction
simple), la suite possède un comportement totalement imprévisible
à partir d’une certaine valeur de a. Pour deux valeurs initiales proches,
on obtient deux suites de valeurs n'ayant aucun lien avec l’une avec l’autre
: c’est le propre du chaos.
Si un système physique obéissait à
une telle suite, son évolution serait imprévisible du fait
de l’imprécision inévitable des mesures, comme nous l’avons
expliqué.
γ) Application de la suite quadratique
On peut appliquer la suite quadratique à l’évolution
d’une population quelconque.
On considère la densité xn
d'une population au début de l'année n, x
0
la densité au début de la simulation.
- Selon un facteur de fécondité
f
, la
population croît, on a alors: xn+1 = f.xn
- Mais les ressources nutritives et énergétiques d'expression
k.(1- xn)
vont diminuer. Plus x
n
est élevé, plus les ressources s'appauvrissent.
La densité à l'année n+1
est x
n+1 = f.x n.k.(1-xn) = a.xn .(1-x
n)
.
On peut, comme on l’a fait, étudier le
comportement de cette fonction et représenter l'arbre de Feigenbaum,
avec a en abscisse et les différentes valeurs d’adhérence de
x(n)
en ordonnée. Pour un a faible, la limite de la
population est unique, à partir d'un certain moment la suite admet
2 puis 4 puis 8 points d'adhérence puis devient chaotique, on ne
peut alors plus prévoir l’évolution de la population.
4. Degrés de liberté d'un système
et espace des phases
α) Degrés de liberté
Un degré de liberté est un paramètre
qui caractérise l'état du système considéré.
Si on considère par exemple une roue, fixée à un axe,
lui-même fixé dans le sol, le tout dans un matériau rigide,
le seul "paramètre" qui peut changer d'un point de vue mécanique,
c'est la vitesse angulaire algébrique de la roue. Ce "paramètre"
est appelé degré de liberté. On dit alors qu'il s'agit
d'un système à un degré de liberté.
Maintenant, si cette roue a la possibilité de se déplacer
le long d'un axe, on a deux nouveaux "paramètres" : l'abscisse et
la vitesse le long de l'axe. Ce sont deux degrés de liberté
de plus. Il s'agit donc d'un système à 3 degrés de liberté.
Enfin, si on considère un point matériel, il a une position
dans l'espace et une vitesse à 3 dimensions. Il a donc 6 degrés
de liberté.
β) Espace des phases
L’espace des phases d’un système physique est
un espace muni d’un repère dont les axes de coordonnées correspondent
aux différents degrés de liberté caractérisant
le comportement du système. Ainsi, chaque point de l’"espace" créé
représente un état unique du système, qu’il soit réellement
atteint ou non. On choisit alors de représenter l’évolution
du système à partir de conditions initiales données (un
point déterminé) par la trajectoire du point correspondant à
ses "états" successifs dans l'espace des phases. Notons que
cette représentation a pour particularité de ne pas prendre
en compte le temps.
Prenons par exemple un pendule idéal simple sans
frottement. Son état, à un instant donné, est complètement
déterminé dès que l'on connaît deux paramètres
seulement : la position et la vitesse. Il s'agit donc d'un système
à deux degrés de liberté. Pour ce système, l'espace
des phases est donc un plan où l'état du système est
représenté par un point : l'abscisse est la position du pendule
et l'ordonnée, sa vitesse. L'état du système évolue
conformément à la relation fondamentale de la dynamique. Le
mouvement de va-et-vient du pendule est décrit, dans l'espace des phases,
par le déplacement du point sur une courbe. Dans ce cas, la trajectoire
du pendule dans l'espace des phases est une courbe fermée.
Si on prend le cas réel, on constate une perte
d'énergie liée aux frottements : l'amplitude des oscillations
diminuant au cours du temps, la trajectoire dans l'espace des phases est une
spirale dont le point central représente la position finale du pendule.
5. Attracteurs
α) Définition
Un attracteur est un objet géométrique
vers lequel tendent toutes les trajectoires des points de l'espace des phases,
c’est à dire une situation ou un ensemble de situations vers lesquelles
évoluent un système, quelles que soient ses conditions initiales.
Le bassin d'attraction d'un attracteur est l'ensemble
des points de l'espace des phases qui donnent une trajectoire évoluant
vers l'attracteur considéré. On peut donc avoir plusieurs attracteurs
dans un même espace des phases.
Il existe deux types d'attracteurs : les attracteurs réguliers et
les attracteurs étranges ou chaotiques.
β) Attracteurs réguliers
Les attracteurs réguliers caractérisent
l'évolution de systèmes non chaotiques, et peuvent être
de trois sortes :
- un point fixe : la trajectoire du pendule dissipatif simple
(dans l’"espace" des phases représentant son altitude et à
sa vitesse), par exemple, tend vers l’origine du repère, quelles que
soient la position et la vitesse initiales.
- un cycle limite : la trajectoire du pendule idéal dans
ce même espace des phases, par exemple.
- un tore, qui correspond à l’attracteur obtenu dans les
mouvements résultant de deux oscillations indépendantes (par
exemple : les oscillateurs électriques).
Pour tous les attracteurs réguliers, c’est à
dire pour tous les systèmes non-chaotiques, des trajectoires qui partent
de "points" proches l'un de l'autre dans l’espace des phase restent indéfiniment
voisines. On sait donc prévoir l'évolution à long terme
de ces systèmes, à partir d’une situation connue.
γ) Les attracteurs étranges
Les attracteurs étranges sont caractéristiques
de l’évolution des systèmes chaotiques : au bout d'un certain
temps, tous les points de l'espace des phases (et appartenant au bassin d’attraction
de l’attracteur) donnent des trajectoires qui tendent à former l'attracteur
étrange.
A grande échelle, un attracteur étrange
n'est pas une surface lisse, mais une surface repliée plusieurs fois
sur elle-même. En effet, les trajectoires des points divergent (puisque,
par définition, deux point ne peuvent avoir la même évolution),
mais comme l'attracteur a des dimensions finies, l'attracteur doit se replier
sur lui-même. Le processus d'étirement-repliement se répète
à l'infini et fait apparaître un nombre infini de "plis" imbriqués
les uns dans les autres qui ne se recoupent jamais.
Ainsi, deux points très proches au départ
(conditions initiales) peuvent se retrouver à deux extrémités
opposées de l’attracteur (conditions finales). Cela traduit le comportement
divergent des phénomènes chaotiques.
On obtient ainsi des attracteurs différents (en
fonction des systèmes étudiés), qui présentent
des formes diverses et surprenantes. On ne peut évidemment représenter
que des attracteurs de faibles dimensions (2 à 3) ou des "coupes" des
attracteurs de nombreuses dimensions.
Quelques exemples :
- L'attracteur de Hénon
- L'attracteur de Rössler
- L'attracteur de Lorentz
On montre que l’exemple du robinet qui goutte, lorsque
on représente dans un repère à deux dimensions l’intervalle
de temps séparant la chute de deux gouttes successives en fonction
de l’intervalle précédent, on obtient un attracteur caractéristique,
lors de la phase "turbulente", alors qu’on obtiendrait un nuage de points
sans structure si le système suivait une loi probabiliste.
6. Evolution d'un système non chaotique
vers le chaos
Il existe plusieurs types d’évolution possibles
d’un système périodique vers le chaos. Nous allons en exposer
brièvement deux. Ces évolutions surviennent par augmentation
des contraintes appliquées au système (par exemple, les vitesses
angulaires dans les cadre des pendules).
α) Par intermittences
Le système conserve pendant un certain laps de
temps un régime périodique ou pratiquement périodique,
c’est à dire une certaine "régularité", et il se déstabilise,
brutalement, pour donner lieu à une sorte d’explosion chaotique. Il
se stabilise de nouveau ensuite, pour donner lieu à une nouvelle "bouffée"
plus tard. En outre, les durées des phases chaotiques ne suivent aucune
constante de même que la fréquence de ces phases, ce qui ajoute
au chaotique de l’évolution.
On a constaté que la fréquence et la durée
des phases chaotiques avaient tendance à s’accroître plus on
s’éloignait de la valeur critique de la contrainte ayant conduit à
leur apparition.
β) Par doublement de la période
Par augmentation du paramètre de contrôle
de l’expérience, la période du régime périodique
double, puis est multipliée par 4, par 8, par 16 … etc. Les doublements
étant de plus en plus rapprochés, on tend vers un point d’accumulation
auquel on obtiendrait hypothétiquement une fréquence infinie.
C’est à ce moment que le système devient chaotique.
Suite