Le Chaos

Qu'est-ce que le chaos ?

  1. Définition qualitative du chaos
  2. Explication de la différence entre chaos et phénomènes aléatoires
  3. Exemple de la suite quadratique
  4. Degrés de liberté d'un système et espace des phases
  5. Attracteurs
  6. Evolution d'un système non chaotique vers le chaos

1. Définition qualitative du chaos

    Un phénomène chaotique est un phénomène défini de façon déterministe, non périodique, qui se caractérise par une hypersensibilité aux conditions initiales. C’est cette sensibilité aux conditions initiales qui rend le phénomène imprévisible.

    Avec une valeur de départ de –11.00000, le résultat peut être totalement différent de celui obtenu si on refait l’expérience avec -11.00001. De si petites différences dans les conditions initiales, dans la pratique, peuvent être simplement considérées comme "bruit expérimental" ou imprécision de l’appareil de mesure. Ce sont des variations impossibles à éviter en pratique.
    On comprend alors la difficulté qu’ont les expérimentateurs à prévoir l’évolution d’un système chaotique, étant donné que la précision des mesures ne peut en pratique pas être suffisante pour connaître les conditions initiales de manière satisfaisante.
    C’est ainsi que s’explique l’effet papillon : le simple battement d’aile d’un papillon à Tokyo modifie de manière infime les conditions atmosphériques, de sorte que l’évolution d’un cyclone, même lointain, est imprévisible, tous les paramètres influençant ne pouvant être pris en compte.
    Il en est de même pour l’exemple du ballon de baudruche, dont la variation minime de conditions de lâcher (l’identique étant impossible à réaliser), entraîne une imprévisibilité totale quant aux deux trajectoires successives.

2. Explication de la différence entre chaos et phénomènes aléatoires

    La différenciation entre chaotique et aléatoire nous a paru le point le plus important de la compréhension du chaos. En effet, on a toujours tendance à considérer qu’un phénomène tire son imprédictibilité du nombre trop importants de paramètres en jeu dans sa description, ce qui nous pousse à en donner une approche probabiliste qui, pour être parfaitement satisfaisante, garde par définition une marge d’aléatoire. Le mouvement brownien en est un exemple.
    En ce qui concerne le chaos, il n’en est rien. En effet, un phénomène chaotique, comme nous l’avons vu, est décrit de manière déterministe, c’est à dire en particulier avec des outils mathématiques qui en permettent une approche précise et a priori "certaine". En réalité, il faut constater qu’aucun amalgame n’est possible entre chaos et aléatoire puisque même une approche probabiliste de l’évolution d’un système chaotique n’aboutirait à rien. En effet, même si l’on connaît parfaitement l’évolution d’un système dans des conditions initiales données, pour des conditions initiales extrêmement proches, toutes les évolutions  sont encore "équiprobables" : l’approche probabiliste n’apporte rien.
    En outre, comme on le verra dans les caractéristiques exposées dans les parties suivantes, les systèmes chaotiques possèdent des propriétés qu’ils ne partagent pas plus avec les systèmes aléatoires qu’avec les systèmes déterministes non-chaotiques.
    De manière concrète, il existe une définition rigoureuse qui permet de déterminer mathématiquement qu’un système est chaotique, mais son expression est assez complexe.
On peut dire en toute rigueur que, de manière générale, la part d’imprévisible est en réalité assez faible pour un système probabiliste par rapport à un système chaotique, pour lequel, au contraire, bien que le déterminisme soit total, la prévisibilité est nulle.
On constate en particulier, dans l’exemple du mouvement brownien, que le déplacement reste "centré" en A. En outre, si on avait initialement placé un autre grain de poussière tout près de A, on peut penser que son déplacement aurait été assez semblable à celui de A, ce qui ne pourrait arriver dans un système chaotique.

3. Exemple de la suite quadratique

Soit la suite quadratique définie par un+1 = a.u n (1-un).
De la forme, un+1 = f(un) avec f(x) = ax(1-x)
α) Sensibilité à a
    On veut déterminer l'évolution de la suite un+1 = a.un (1-un) en fonction de la valeur de a.
On a remarqué que, pour des valeurs de a :
    A partir des points d’adhérence, on peut représenter l'arbre de Feigenbaum. Il montre le nombre les valeurs de convergence de la suite en fonction de a. Jusqu'à a=4, ce nombre augmente mais reste fini, par la suite ce nombre devient infini, de sorte qu’on ne peut plus les représenter : le comportement de la suite est chaotique.

β) Sensibilité à u0
    Lorsque la suite devient chaotique (a>4), on peut constater qu’une sensibilité à U0 existe aussi. En effet pour chaque U0 différent, même pour des valeurs très proches, le comportement de la suite est totalement différent et imprévisible à partir des valeurs  obtenues avec U 0. Ceci illustre la propriété de sensibilité aux conditions initiales.
La suite quadratique constitue un exemple de chaos mathématique : bien que définie de façon déterministe (une fonction simple), la suite possède un comportement totalement imprévisible à partir d’une certaine valeur de a. Pour deux valeurs initiales proches, on obtient deux suites de valeurs n'ayant aucun lien avec l’une avec l’autre : c’est le propre du chaos.
    Si un système physique obéissait à une telle suite, son évolution serait imprévisible du fait de l’imprécision inévitable des mesures, comme nous l’avons expliqué.

γ) Application de la suite quadratique
    On peut appliquer la suite quadratique à l’évolution d’une population quelconque.
    On considère la densité xn d'une population au début de l'année n, x 0 la densité au début de la simulation.
    On peut, comme on l’a fait,  étudier le comportement de cette fonction et représenter l'arbre de Feigenbaum, avec a en abscisse et les différentes valeurs d’adhérence de x(n) en ordonnée. Pour un a faible, la limite de la population est unique, à partir d'un certain moment la suite admet 2 puis 4 puis 8 points d'adhérence puis devient chaotique, on ne peut alors plus prévoir l’évolution de la population.

4. Degrés de liberté d'un système et espace des phases

α) Degrés de liberté
    Un degré de liberté est un paramètre qui caractérise l'état du système considéré.
Si on considère par exemple une roue, fixée à un axe, lui-même fixé dans le sol, le tout dans un matériau rigide, le seul "paramètre" qui peut changer d'un point de vue mécanique, c'est la vitesse angulaire algébrique de la roue. Ce "paramètre" est appelé degré de liberté. On dit alors qu'il s'agit d'un système à un degré de liberté.
Maintenant, si cette roue a la possibilité de se déplacer le long d'un axe, on a deux nouveaux "paramètres" : l'abscisse et la vitesse le long de l'axe. Ce sont deux degrés de liberté de plus. Il s'agit donc d'un système à 3 degrés de liberté.
Enfin, si on considère un point matériel, il a une position dans l'espace et une vitesse à 3 dimensions. Il a donc 6 degrés de liberté.

β) Espace des phases
    L’espace des phases d’un système physique est un espace muni d’un repère dont les axes de coordonnées correspondent aux différents degrés de liberté caractérisant le comportement du système. Ainsi, chaque point de l’"espace" créé représente un état unique du système, qu’il soit réellement atteint ou non. On choisit alors de représenter l’évolution du système à partir de conditions initiales données (un point déterminé) par la trajectoire du point correspondant à ses "états"  successifs dans l'espace des phases. Notons que cette représentation a pour particularité de ne pas prendre en compte le temps. 
    Prenons par exemple un pendule idéal simple sans frottement. Son état, à un instant donné, est complètement déterminé dès que l'on connaît deux paramètres seulement : la position et la vitesse. Il s'agit donc d'un système à deux degrés de liberté. Pour ce système, l'espace des phases est donc un plan où l'état du système est représenté par un point : l'abscisse est la position du pendule et l'ordonnée, sa vitesse. L'état du système évolue conformément à la relation fondamentale de la dynamique. Le mouvement de va-et-vient du pendule est décrit, dans l'espace des phases, par le déplacement du point sur une courbe. Dans ce cas, la trajectoire du pendule dans l'espace des phases est une courbe fermée.
    Si on prend le cas réel, on constate une perte d'énergie liée aux frottements : l'amplitude des oscillations diminuant au cours du temps, la trajectoire dans l'espace des phases est une spirale dont le point central représente la position finale du pendule.

5. Attracteurs

α) Définition
    Un attracteur est un objet géométrique vers lequel tendent toutes les trajectoires des points de l'espace des phases, c’est à dire une situation ou un ensemble de situations vers lesquelles évoluent un système, quelles que soient ses conditions initiales.
    Le bassin d'attraction d'un attracteur est l'ensemble des points de l'espace des phases qui donnent une trajectoire évoluant vers l'attracteur considéré. On peut donc avoir plusieurs attracteurs dans un même espace des phases.
Il existe deux types d'attracteurs : les attracteurs réguliers et les attracteurs étranges ou chaotiques.

β) Attracteurs réguliers
    Les attracteurs réguliers caractérisent l'évolution de systèmes non chaotiques, et peuvent être de trois sortes :
    Pour tous les attracteurs réguliers, c’est à dire pour tous les systèmes non-chaotiques, des trajectoires qui partent de "points" proches l'un de l'autre dans l’espace des phase restent indéfiniment  voisines. On sait donc prévoir l'évolution à long terme de ces systèmes, à partir d’une situation connue.

γ) Les attracteurs étranges
    Les attracteurs étranges sont caractéristiques de l’évolution des systèmes chaotiques : au bout d'un certain temps, tous les points de l'espace des phases (et appartenant au bassin d’attraction de l’attracteur) donnent des trajectoires qui tendent à former l'attracteur étrange.
     A grande échelle, un attracteur étrange n'est pas une surface lisse, mais une surface repliée plusieurs fois sur elle-même. En effet, les trajectoires des points divergent (puisque, par définition, deux point ne peuvent avoir la même évolution), mais comme l'attracteur a des dimensions finies, l'attracteur doit se replier sur lui-même. Le processus d'étirement-repliement se répète à l'infini et fait apparaître un nombre infini de "plis" imbriqués les uns dans les autres qui ne se recoupent jamais.    
    Ainsi, deux points très proches au départ (conditions initiales) peuvent se retrouver à deux extrémités opposées de l’attracteur (conditions finales). Cela traduit le comportement divergent des phénomènes chaotiques.
    On obtient ainsi des attracteurs différents (en fonction des systèmes étudiés), qui présentent des formes diverses et surprenantes. On ne peut évidemment représenter que des attracteurs de faibles dimensions (2 à 3) ou des "coupes" des attracteurs de nombreuses dimensions.
    Quelques exemples :
    On montre que l’exemple du robinet qui goutte, lorsque on représente dans un repère à deux dimensions l’intervalle de temps séparant la chute de deux gouttes successives en fonction de l’intervalle précédent, on obtient un attracteur caractéristique, lors de la phase "turbulente", alors qu’on obtiendrait un nuage de points sans structure si le système suivait une loi probabiliste.

6. Evolution d'un système non chaotique vers le chaos

    Il existe plusieurs types d’évolution possibles d’un système périodique vers le chaos. Nous allons en exposer brièvement deux. Ces évolutions surviennent par augmentation des contraintes appliquées au système (par exemple, les vitesses angulaires dans les cadre des pendules).
α) Par intermittences
    Le système conserve pendant un certain laps de temps un régime périodique ou pratiquement périodique, c’est à dire une certaine "régularité", et il se déstabilise, brutalement, pour donner lieu à une sorte d’explosion chaotique. Il se stabilise de nouveau ensuite, pour donner lieu à une nouvelle "bouffée" plus tard. En outre, les durées des phases chaotiques ne suivent aucune constante de même que la fréquence de ces phases, ce qui ajoute au chaotique de l’évolution.
    On a constaté que la fréquence et la durée des phases chaotiques avaient tendance à s’accroître plus on s’éloignait de la valeur critique de la contrainte ayant conduit à leur apparition.

β) Par doublement de la période
    Par augmentation du paramètre de contrôle de l’expérience, la période du régime périodique double, puis est multipliée par 4, par 8, par 16 … etc.  Les doublements étant de plus en plus rapprochés, on tend vers un point d’accumulation auquel on obtiendrait hypothétiquement une fréquence infinie. C’est à ce moment que le système devient chaotique.

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